Qu’est-ce que la redirection écologique ?
La redirection écologique consiste non pas à adapter mais à rediriger la stratégie d’une entreprise ou d’une organisation en tenant compte des limites planétaires afin de créer un monde habitable pour nous et nos enfants.
La Redirection Écologique a pour cadre conceptuel l’Anthropocène et est fondée sur deux faits :
- 1/ Nous sommes face à la Grande Accélération depuis l’ère industrielle. Et, comme toute exponentielle, les conséquences de notre entrée dans l’Anthropocène sont maintenant de plus en plus rapides, visibles et critiques. Le développement durable tel qu’il est actuellement pratiqué dans la plupart des entreprises ne répond plus aux enjeux d’habitabilité de la planète
- 2/ L’urgence de la situation climatique et écologique actuelle demande donc un engagement immédiat et complet des organisations et des entreprises afin d’aligner leurs stratégies avec les frontières planétaires.

D’où vient le concept de redirection écologique ?
La redirection écologique est inspirée des travaux du théoricien du design australien Tony Fry ainsi que ceux du philosophe français Bruno Latour.
Elle est enseignée en France au sein du Master of Science « Strategy & Design for the Anthropocene », formation lancée en octobre 2020, certifiée par la Conférence des Grandes Ecoles, et offerte conjointement par l’ESC Clermont Business School et Strate Ecole de Design Lyon. Cette formation a été co-fondée par Alexandre Monnin (qui en est aujourd’hui le directeur), Diego Landivar et Emmanuel Bonnet tous trois enseignants au sein de l’ESC Clermont et respectivement directeur de la recherche, directeur et co-fondateur et membre d’Origens Media Lab.
En quoi est-ce différent de la RSE (Responsabilité Sociétale des Entreprises) / de la transition écologique / du développement durable ?
Nombre d’industriels se saisissent des enjeux sociaux et environnementaux par le prisme de la responsabilité sociétale des entreprises (RSE). On parle de plus en plus dans les médias et au sein des entreprises de développement durable, de croissance verte, de RSE, de transition écologique… ces termes sont malheureusement devenus caducs et vides de sens face aux enjeux de l’Anthropocène.
En effet, ils sous entendent souvent de garder le business actuel mais en émettant moins (de gaz à effet de serre, de pollutions diverses, d’externalités négatives.) De faire « moins pire » plutôt que de faire autrement. Comme le dit Arthur Keller, spécialiste des systèmes et des enjeux environnementaux, « il ne s’agit justement pas de faire différemment mais de faire différent ».
De plus, ces concepts ne permettent pas aux citoyens, salariés, élus… de prendre réellement conscience de la situation et d’appréhender la réelle gravité des enjeux. Car ce qu’il se joue actuellement c’est la question même de l’habitabilité de la planète. Et les mécanismes d’optimisation (réduction des pollutions), de compensation (carbone, biologique) ou de recherche de découplage ne sont que chimères qui masquent cet état de fait et nous poussent un peu plus près du mur. Car les faits sont têtus et nous ne pouvons que constater l’accroissement de la consommation des ressources et des impacts environnementaux malgré les décennies à œuvrer au développement durable (en cause notamment le fameux effet rebond théorisé par Jevons qui démontre que les économies d’énergie ou de ressources initialement prévues par l’utilisation d’une nouvelle technologie sont partiellement ou complètement compensées à la suite d’une adaptation du comportement de la société)
Or il n’y a pas de parts de marché dans un monde effondré.
Il est donc nécessaire de prendre ce problème à bras le corps, ce qui nécessite une remise en cause profonde du business modèle des entreprises. Une redirection de nos modèles d’affaires et nos modes de production et de consommation s’avère donc indispensable.
Quelles sont les composantes et les questionnements spécifiques liés à la redirection écologique ?
La redirection écologique adresse donc des questionnements spécifiques qui sont les suivants :
1/ Question des renoncements
La question des renoncements est celle de l’existence même de certaines activités. Il est nécessaire de repenser le devenir de certaines activités, qui, soit participent à la dégradation environnementale actuelle et ne satisfont pas aux limites planétaires, soit sont vouées à disparaitre au vu du déclin énergétique et matériel futur ou de l’évolution des conditions climatiques (on parle alors d’activités zombies). Il apparait donc nécessaire d’envisager la fermeture ou le démantèlement de ces activités en se posant la question de l’utilité sociale, environnementales et sociétales de ces dernières.
Lorsque nous parlons de fermeture, nous ne supposons pas nécessairement qu’elle soit immédiate, cette étape peut se construire par paliers, en désaffectant les activités qui ne sont absolument pas durables et sans avenir pour leur substituer d’autres activités, pas forcément parfaites mais qui permettent d’initier concrètement le changement de modèle économique. L’essentiel est de préparer l’avenir afin qu’il soit choisi et non subi.
« Nous entrons dans une ère d’arbitrages et de choix où nous ne pourrons pas, malheureusement et heureusement, tout garder. » Alexandre Monnin
2/ Gestion des héritages et des « communs négatifs »
Le corollaire de la question des renoncements est ce qu’on appelle la gestion des communs négatifs. Un commun négatif est une ressource partagée qui a des effets négatifs, en particulier un déchet qui impacte l’environnement. Infrastructures désaffectées, sols et eaux pollués, éboulements de terrains en zone minière, zones rendues inhabitables…. Comment ne pas occulter cet héritage de l’Anthropocène et que l’on va léguer aux générations futures ? Comment les prendre en compte dans nos stratégies de redirection ? Car il va falloir en prendre soin et s’en occuper d’une manière ou d’une autre…. Sachant que la meilleure façon de traiter les communs négatifs est de ne pas en créer à la source (et de s’occuper des communs négatifs qui sont déjà existants).
Quels sont les exemples de projet de redirection écologique ?
Différentes entreprises ou organisations s’engagent sur la voie de la redirection écologique.
Nous pouvons citer les cas de Metabief, station de ski du Haut Doubs qui envisage d’ores et déjà la fin inéluctable au vu des scénarios climatiques de l’exploitation du ski alpin. Or cela engendrerait une baisse de l’ordre de -50 % des retombées touristiques. Quel nouveau modèle peut compenser cette perte ? le territoire s’est emparé de cette douloureuse question. Plus d’information ici
Nous pouvons également citer le cas des laboratoires Expanscience qui ont décidé de renoncer progressivement d’ici 2027 à la fabrication et commercialisation des lingettes Mustela qui représentent actuellement 20% du chiffre d’affaires de la marque.
Et vous, êtes vous prêt à vous engager sur ce chemin ?